Friday, July 25, 2014

Lignes de fuite

Carte trouvée ici

Dans cette phase de ma vie où je cherche à colmater mes plus grosses fêlures et à me retrouver, je me surprends à replonger dans des vieux travers d'adolescente qui scrute son reflet dans les vitrines, et son image sur les photographies...

J'ai reçu hier les photos de vacances. Je ne m'y suis pas reconnue.

Il me semble lire sur mon visage le chagrin qui me quitte lentement pourtant.
J'aurais aimé que l'on ne puisse lire dans les rides de mon visage que des moments heureux...

Sur les photos, mes kilos ont disparu quand j'affronte les vagues.
Je me suis trouvée belle.

Merci encore à la photographe


Wednesday, July 23, 2014

Gelée de cassis

Au jardin
Chaque année, la valse des confitures se déroule selon une partition bien rodée.
Un galop d'essai au printemps avec les fraises et la rhubarbe, puis juillet arrive, apportant dans mon jardin d'abord les cerises, puis le cassis et les groseilles et souvent un rab de rhubarbe. Je conclus la production estivale avec les abricots  ramassés dans la vallée toute proche. J'y consacre avec plaisir des moments de mes "grandes vacances". C'est devenu un rituel.

L'odeur de la gelée de cassis dans la cuisine aujourd'hui a agit comme une madeleine de Proust...
 
Il y a trois ans, je t'écrivais ceci.
L'endroit où je me trouvais était si sombre que je ne savais plus distinguer ce que j'avais fait comme confitures.
Les pots furent étiquetés comme ceci :
"Cassis 2011, peut-être"
"Groseilles 2011, peut-être"
"Cassis 2011, c'est sûr"...

Je te le disais hier,
The only time you should ever look back, is to see how far you've come.
J'avance sur ma route de montagne...




Tuesday, July 22, 2014

Passager clandestin

Cette illustration n'a pas grand chose à voir... Encore que. C'est un très beau récit de passage de l'enfance à l'âge adulte. Avec de l'émancipation dedans, ça ne gâche rien! Si vous ne l'avez pas déjà fait, précipitez-vous pour lire Marjane Satrapi.


Tu es arrivé hier. Pas sans frapper, au contraire, mais je ne t'avais pas entendu. Enfin, je n'étais pas sûre. Je suis descendue pour voir et je t'ai aperçu par la fenêtre du salon.

Je n'ai pas reconnu la frêle silhouette d'adolescent, le coupe-vent noir, la capuche rabattue, serrée autour du visage, barrage dérisoire contre la pluie battante, les mèches de cheveux trempées collées sur le front. Je n'ai pas reconnu le regard furtif, presque apeuré... ou était-ce de la surprise?
En ouvrant la porte, je m'apprêtais à questionner et rembarrer un importun.

Et je t'ai reconnu.
Avec toi, les souvenirs sont arrivés. Tout dans ton attitude et ta présence m'a rappelé le passé.

J'ai reconnu l'enfant à ta façon de quitter tes chaussures boueuses sur le paillasson, ton embarras à me surprendre dans mes habits de chantier, ta réserve avant d'accepter un coup à boire puis ton empressement à te servir un sirop de menthe et manger un bon goûter...
Je me rappelle des trajets que nous faisions ensemble quand je t'emmenais à l'école. On parlait de ton chat, de tes leçons, de ta famille, de tes copains, des vacances... Quels autres sujets auraient pu convenir entre un garçon de dix ans et la mère de son copain d'enfance?
Hier aussi, les études, les projets de vacances, la famille et les animaux...

J'ai reconnu l'adolescent, impulsif, tête-brulée, perdu, fragile et ténébreux. Comment ne le serais-tu pas, toi qui avait essayé d'en finir alors que tu n'étais pas encore un "teenager"? Toi qui a vu mourir ton meilleur ami?
Toi qui a survécu.
Je me suis souvenue d'avoir essayé de trouver des mots quand tu m'avais confié ton mal-être, osant pleurer et refusant de toutes tes forces le collège privé où tes parents t'avaient inscrit...
Je me suis rappelée du moment où tu étais tombé du trampoline, créant la panique chez tes copains affolés devant ta perte de connaissance...
Et ce jour, le lendemain de l'avalanche, où pour te sortir de l'abîme, je t'ai secoué, physiquement, devant tes parents impuissants. J'aurais même été jusqu'à te mettre un coup de boule si tu n'avais pas réagi...

J'ai reconnu l'homme aussi. Celui qui a réussi à se dégager, à trouver le courage moral et physique d'aller chercher les secours.
Celui à qui j'ai osé conseiller de faire ses propres choix.  De se dégager du poids des convenances. D'apprendre à prendre de la distance vis-à-vis d'une famille aux interactions toxiques. D'oser vivre.
Avec l'homme, j'ai parlé du jour où mon fils est mort. Du capitaine des secours en montagne qui a vu sa vie changer ce jour-là, lui aussi. (Il me l'a confié depuis...)
Hier aussi, des mots. Pour dire combien je suis heureuse de te voir grandir, de te voir faire des projets. 
Des mots pour dire le souvenir aussi. Et le chagrin. 
Des mots que je te dis et que tu viens entendre.


The only time you should ever look back, is to see how far you've come.